Entre fiction et didactique :
l’oeuvre de Raoul de Houdenc
Colloque international du CUERMA- CIELAM
Université de Provence
Aix-en-Provence 24, 25, 26 octobre 2012

Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, ms 2599, fac-similé.
Quand l’invention littéraire débauche la littérature Infernale, ou l’éloge du poète grivois
Raoul de Houdenc, Le Songe d’Enfer, 1220.
La littérature infernale révèle l’enfer grâce au témoignage de voyageurs envoyés dans l’au-delà
pour ramener un message salvifique. Au sein de cette littérature édifiante, Le Songe d’Enfer de Raoul de
Houdenc (1220) pastiche le genre en toute liberté de formes et d’images, marqué d’un ton grivois et pour
le divertissement d’un public averti. Ici, tout est recentré sur le poète, qui décide lui-même de se rendre
dans l’autre monde et s’engage dans un voyage dont les escales aux noms prometteurs tels que Foie-
Mentie, Ville-Taverne ou Chasteau-Bordel l’imprègnent de tous ces péchés dont les Pénitentiels affligent
sans relâche les trouvères. Tout au long de son parcours, il se doit d’envier, de mentir, de parier, de voler,
de boire, de se battre et de forniquer en particulier lors des jours mis à l’index. Ces songes le mènent tout
droit en enfer, but ultime de son pèlerinage, lui offrant la possibilité de glorifier le plaisir des sens et les
délices du démoniaque, en un lieu réservé jusqu’alors, dans la littérature monastique, au déchaînement de
la colère divine.
Après avoir mis en relief la place particulière de ce poème dans la tradition infernale et la façon
dont il s’en affranchit en abolissant les conventions du genre au nom de la création littéraire, nous
explorerons le rôle de l’écriture, du livre et du troubadour dans ce poème qui, sous des allures de fabliaux,
propose un véritable traité sur l’invention littéraire, son mode idéal d’efflorescence et la nécessité de
protéger ses pratiques de diffusion. Ainsi, ce texte, parodie sotériologique, magnifie le cheminement du
trouvère, qui, dans la création poétique, s’émancipe du joug divin et enseigne par sa parole une société
qu’il a lui-même conçue. L’enfer est né de la littérature, Raoul de Houdenc recouvre ses droits en
produisant une allégorie du génie de l’imagination humaine, et sa rencontre avec le Roi d’Enfer glorifie
en apothéose sa valeur de poète tout en lui fournissant matière à inspiration pour ses oeuvres à venir.
Juliette Bourdier, Université du Colorado à Boulder
Leave a Reply