qu’en pensez-vous ?
Coronavirus : Masques obligatoires, retour différé à l’école… Les questions juridiques posées par le déconfinement
POLITIQUE Un spécialiste du droit évoque les différentes propositions liées au déconfinement du 11 mai

- « Nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus », a indiqué Edouard Philippe ce dimanche.
- Le Premier ministre a esquissé le principe d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai.
- Serge Slama, professeur de droit public, revient sur les questions de droit que posent les pistes de cette fin de confinement.
« Nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus. » Edouard Philippe a esquissé ce dimanche la perspective d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai/14 juillet. Mais le Premier ministre a prévenu que les Français ne retrouveraient « pas tout de suite et probablement pas avant longtemps » leur « vie d’avant » la crise sanitaire liée au coronavirus.
- Port obligatoire des masques,
- déconfinement par âge,
- retour différé à l’école…
On fait le point sur les questions juridiques posées par cette sortie de crise avec Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes.
Un déconfinement selon l’âge ou la santé est-il possible ?
« Pour leur protection, nous demanderons aux personnes les plus vulnérables, aux personnes âgées, en situation de handicap sévère, aux personnes atteintes de maladies chroniques, de rester, même après le 11 mai, confinées, tout au moins dans un premier temps », disait Emmanuel Macron de son allocution le 13 avril. Quatre jours plus tard lors d’une audition au Sénat, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, évoquait la nécessité de maintenir en quarantaine les « personnes les plus à risque », évoquant les plus « de 65 ou 70 ans » ou encore les personnes obèses, soit en tout « 18 millions de personnes ».
Après le 11 mai , 18 millions de personnes à risques resteront confinées estime Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique #Covid19 #Confinementhttps://t.co/V0fXpz3Fkb pic.twitter.com/Lzcht5gG84
— Public Sénat (@publicsenat) April 15, 2020
« Dans la définition du principe d’égalité du Conseil d’Etat, il y a l’idée que des personnes en situation différente peuvent être traitées de manière différente », indique Serge Slama. « Un traitement différent pour les personnes les plus vulnérables, les plus à risque, pourrait donc se justifier. En revanche, discriminer selon l’âge me paraît problématique et difficilement justifiable, car une personne de 70 ans peut être en bonne santé », ajoute-t-il. Cette solution semble d’ailleurs avoir été écartée par l’Elysée ces derniers jours, qui a préféré mettre en fin à la polémique et en appeler à « la responsabilité individuelle ».
Et des mesures de déconfinement selon les territoires ?
Début avril, l’Académie de médecine préconisai un déconfinement par région. Une piste pas encore écartée par Edouard Philippe pour l’heure. Prendre des mesures différentes selon les territoires est également envisageable, d’après Serge Slama. « Ca existe déjà plus ou moins. Au début de l’épidémie, dans l’Est de la France, l’Oise ou la Moselle [alors plus touchés par le coronavirus], il y a eu des mesures plus restrictives pour la population que sur d’autres territoires », rappelle le spécialiste. « Si cette distinction est justifiée par des données objectives, c’est possible. C’est d’ailleurs déjà le cas dans certains territoires d’Outre-Mer : la Nouvelle-Calédonie, qui n’a connu que 18 contaminations, a déjà entamé ce lundi son déconfinement ».
Peut-on obliger la population à porter des masques ?
Edouard Philippe a évoqué une « probable » obligation du port du masque dans les transports publics après le 11 mai. C’est la seule mesure obligatoire évoquée ce dimanche par le Premier ministre. « On peut imposer aux gens l’obligation de protéger les autres et se protéger. C’est le cas par exemple du port de la ceinture en voiture, qui a beaucoup été débattu dans les années 70, mais aussi des arrêts préfectoraux qui imposent aux SDF d’aller dans des refuges contre leur volonté. A chaque, fois le Conseil d’Etat a validé ces possibilités », affirme Serge Slama.
Un retour à l’école en différé ?
Toutes les pistes restent à l’étude pour la délicate réouverture progressive des établissements scolaires, mais Edouard Philippe a évoqué des réouvertures « par territoires » (plus rapides dans les territoires les moins touchés) ou encore « par moitiés de classe ». Ce mardi, Jean-Michel Blanquer évoque un retour à l’école à partir du 11 mai étalé sur trois semaines par niveaux de classe.15 élèves par classe .
« Un retour à l’école différé est compliqué mais les circonstances le justifieront car il paraît difficile de maintenir une distanciation à 35 élèves par classe », assure le chercheur interrogé par 20 Minutes. « Mettre la priorité sur les élèves les plus en difficulté me paraîtrait objectif, comme une forme de mesure compensatoire face au décrochage scolaire ou à la fracture numérique. »
Les maires pourront-ils prendre des mesures particulières dans leurs communes ?
La semaine dernière, le Conseil d’Etat a rappelé la limite du pouvoir des maires dans la lutte contre le coronavirus, jugeant qu’ils ne pouvaient pas prendre d’autres mesures que celles décidées par l’Etat dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, sauf « raisons impérieuses ». La règle sera la même pour le déconfinement. « Les communes ne peuvent pas contrarier la cohérence des politiques étatiques », avance Serge Slama. « Si ce principe est respecté et que les maires justifient des circonstances locales, ils pourront compléter les règles établies par l’Etat avec l’aide du préfet, un peu comme ce qui se fait déjà sur les marchés ou pour les couvre-feux ».
Ouest France
Édouard Philippe a tracé les grandes lignes d’un déconfinement qui exigera le maintien de précautions sanitaires pendant de longs mois et reposera sur des tests massifs et l’isolement des malades.
« Un élargissement de la distribution des masques »
La production de masques a presque doublé dans l’hexagone depuis le début de la crise sanitaire. Près de 8 millions de ces équipements sont créés chaque semaine sur le territoire. L’importation a, elle, repris. « Cette semaine, pour la première fois, nous avons réussi à importer 80 millions de masques, soit plus que ce que nous consommons en ce moment. »
Une production de 17 millions de masques « grand public » par semaine est visée, d’ici le 11 mai. Lavables et réutilisables. Avec comme objectif qu’ils soient accessible à tous, à partir du 11 mai 2020.
Le droit de visite de nouveau possible dans les Ehpad
Dès lundi 20 avril 2020, le droit de visite pour les personnes âgées dans les Ehpad redevient possible. Mais très encadré, évidemment : sous la responsabilité de la direction de l’établissement, à la demande du résident, limité à deux personnes par famille, et pas en même temps dans la chambre. En ce sens, aucun contact physique n’est envisageable, uniquement visuel. « On peut faire passer beaucoup de choses par le regard d’une personne aimante », glisse Olivier Véran.
Un droit de visite également rétabli pour les établissements accueillant des personnes en situation de handicap.
Pas un « déconfinement », mais « la phase suivante »
Un principe domine le plan de déconfinement : préserver la santé des Français.
Mais Édouard Philippe l’assure : il faut « assurer la continuité de la vie de la nation », comprenez, « tout ce que nous ne pouvons pas geler indéfiniment, sous peine de voir la nation s’effondrer ».
En respectant deux conditions : rétablir la capacité d’accueil des hôpitaux, et maîtriser la circulation du virus.
Le plan de déconfinement sera présenté fin avril 2020. « Le couple maires/préfets » sera au cœur du dispositif. Un débat parlementaire sur le sujet aura lieu début mai 2020. Et ce sera bien une mise en œuvre « progressive » à partir du 11 mai 2020.
La vie d’après-confinement connue « dans les quinze jours »
Recommencer à travailler, à se déplacer, à voyager, « à vivre librement » ? Il faudra encore attendre un peu pour savoir à quoi ressemblera l’après-11 mai 2020.
Un « plan » est en cours d’élaboration. D’emblée, Édouard Philippe insiste : « À partir du 11 mai, ce ne sera pas, et pas avant longtemps, la vie d’avant le confinement. » Un indice : nous devrons, tous, prendre « de nouvelles habitudes », pour vivre un « quotidien différent ». Le Premier ministre qualifie cet horizon de « prochain défi ».
Face à « beaucoup d’inconnues » qui entourent encore le virus, les Français vont « devoir apprendre à vivre avec lui » et attendre encore longtemps pour retrouver leur « vie d’avant » la crise, a averti le Premier ministre.
Sommé par Emmanuel Macron de présenter un plan de déconfinement avant la fin avril, avec l’appui du haut fonctionnaire et maire Jean Castex, M. Philippe en a dessiné les grands principes au côté de son ministre de la Santé, Olivier Véran.
Il a insisté sur « trois éléments essentiels » pour enclencher le processus à partir du 11 mai : la poursuite de l’adoption « des gestes barrières », comme la distanciation sociale, la généralisation du port de masques « grand public » et le dépistage massif.
Les commerces actuellement fermés en raison de la crise sanitaire ne pourront donc rouvrir que s’ils font respecter les « gestes barrières » et prennent des mesures de « distanciation sociale », a déclaré Édouard Philippe dimanche lors d’une conférence de presse.
