Juliette Bourdier, “Troisième genre infernal, entre utopie terrestre et dystopie infernale”, Redistribution du Genre, University of Rennes, 2020 : 48-66.
Troisième genre infernal, entre utopie terrestre et dystopie infernale
This reflection on the medieval perceptions of the masculine and the feminine is immersed in the infernal punishments administered against those who have dared to break the rules of chastity, and analyze the process of identity deconstruction, corollary of the conversion of transgressive bodies purged by punishment. Our corpus will be the testimonies of edifying Christian journeys to hell written in Latin from the ninth to the twelfth centuries. These testimonies deployed a monastic vision of society which implies a dysphoric cultural construction of the gender. Subsequently and on behalf of the cult of chastity, the gendered bodies that were to be separated and abstinent in the world below, are stripped, mixed, desecrated, erased and standardized in the afterlife, shaping a new, ungendered and yet fertile creature. So while monastic rules guide monks and nuns on earth to form a third utopian genre, whose social role is justified by abstinence – a voluntary form of desexualization – these exceptional beings take advantage of the platform the infernal testimonies concede to them to create in their turn a third kind in hell; a fundamentally dysphoric kind, of which forced desexualization is perpetrated by sexual mutilation and abuse.

Cette réflexion sur les perceptions médiévales du masculin et du féminin se plonge au sein des punitions infernales administrées contre ceux qui ont osé rompre les règles de la chasteté, et analyse le processus de déconstruction identitaire, corollaire de la conversion des corps transgressifs, purgés par les châtiments. Notre corpus sera celui de témoignages édifiants de voyages chrétiens aux enfers , récits rédigés en latin rapportant le voyage d’âmes dans les zones infernales .Ces témoignages, qui se répandent dans les monastères européens dès le VIIe siècle afin de promouvoir l’éducation et le salut des pécheurs, transmettent un savoir sur la structure des enfers et sur l’organisation des tourments . Ils déploient aussi une vision monacale de la société qui implique une construction culturelle dysphorique du genre sexué. Dans cette littérature générée par les moines pour les moines, l’emphase portée sur les écarts sexuels et le détournement de la performance sexuelle, hors de l’honesta copulatio, est révélatrice d’une lutte constante pour réprimer le désir, autant que du besoin de se positionner en arbitre du schéma cisgenré homme-femme dont les moines sont exclus de fait. Dans les témoignages infernaux, le traitement punitif associé à ceux qui se sont laissés corrompre par la luxure, fait appel à un assortiment de fantasmes dont la poétique débridée mêle torture, cruauté et lubricité. Subséquemment et au nom du culte de la chasteté, les corps sexués qui devaient être séparés et abstinents dans l’ici-bas, sont dénudés, mélangés, profanés, effacés et uniformisés dans l’au-delà, façonnant une nouvelle créature désexuée et néanmoins féconde . Ainsi, alors que les règles monacales guident moines et moniales sur terre pour former un troisième genre utopique, dont le rôle social est justifié par l’abstinence – une forme volontaire de désexualisation–, ces êtres d’exception profitent de la tribune que les témoignages infernaux leur concèdent pour créer à leur tour un tiers genre en enfer ; un genre fondamentalement dysphorique, dont la désexualisation contrainte est perpétrée par la mutilation sexuelle
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