Juliette Bourdier, “le Jeu et le Mot : sémiotique des passages chez Raoul de Houdenc”, In Atelier de Traduction Numéro 23/2015, Editura Universităţii din Suceava, (2015): 177-190.


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le Jeu et le Mot : sémiotique des passages chez Raoul de Houdenc


This article examines the inevitable bias inherent to the modern
translation of Medieval French texts. Since words, messages or concepts, far from
being untranslatable, prove to be polysemic, interpretive choices are made at each
step of the translator’s work. Focusing her analysis more particularly on the
translation of terms central to the global understanding of Le Songe d’Enfer by Raoul
de Houdenc (1210), the author illustrates the fluctuations of the syntactic field that
confront the translator. While proposing novel interpretations of this allegorical
pastiche, she shows how the “voice” the translator adopts to enunciate the
sequence of signifiers risks rivaling that of the original author’s.


Translater un texte du françois gallo-roman vers le français moderne correspond à transgresser un chronotope. Sachant que « dans le chronotope de l’art littéraire a lieu la fusion des indices spatiaux et temporels en un tout intelligible et concret » (Bakhtin, 235), le traducteur doit veiller à ce que la proximité apparente des langues n’efface ni l’univers textuel médiéval ni la diégèse propre au récit. Ce paradoxe a provoqué un débat sur la pertinence de la traduction du françois, dont Zink a été l’un des premiers à soulever les contradictions qui entraînent « un compromis de transformation » (Zink, 2000 : 283-90).
Pour illustrer cette contrainte diégétique, j’utilise Le Songe d’Enfer, poème pastiche et allégorique de Raoul de Houdenc, qui rapporte le voyage au banquet d’enfer que l’auteur fit en songe. Ayant transcrit et traduit le Songe, j’ai dû affronter cet exercice compromettant dans l’interdisciplinarité du médiéviste, c’est-à-dire de celle du codicologue, philologue, transcripteur, éditeur et traducteur littéraire qui doit s’engager dans la diégèse du texte, autrement dit
« l’univers spatio-temporel désigné par le récit » (Genette, 1972 : 280).

Après avoir présenté le Songe, et tout en suivant la progression du travail du médiéviste, j’établis qu’une translation de l’ancien françois est inévitablement partiale parce que chaque étape conduit à une série de propositions, parmi lesquelles le traducteur moderne doit distinguer celle qui correspond le mieux à la justification qu’il donne au texte hors de toute
équation métachronique. Enfin, afin de démontrer la mouvance du champ syntaxique, en particulier lorsqu’il s’agit de la traduction de termes essentiels à l’interprétation globale du texte, et dans le cadre de cette communication, je me penche en particulier sur l’épisode qui retrace le combat imaginaire entre Versez et le narrateur, Raoul (v. 216-307), et tente d’en donner quelques interprétations en établissant comment l’auteur, qui joue sur
plusieurs répertoires, s’adresse à un auditoire pluriel pour finalement défendre en filigrane le statut du trouvère. Le problème n’est pas que les termes, messages ou concepts sont intraduisibles, mais qu’au contraire, ils sont plurivoques. Le traducteur exerce donc une voix pour énoncer l’enchaînement des signifiants, qu’il tente de restituer au risque de rivaliser
avec l’auteur dont l’œuvre reste soumise au contexte syntagmatique perçu subjectivement.

University of Poitiers | CESCM (Centre d'Etudes Supérieures de Civilisation Médiévale) - Academia.edu


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