R Jeudi 14 novembre

Les interviews

Devoirs

  • Merci de poster votre nouvelle étape, je vais corriger en détail pendant le weekend ce qui a été déjà posté.
  • merci de poster vos commentaires sur chaque vidéo sur Oaks.
  • j’ai mis les textes en dessous.

📌 Dr. B.

📌 Mélissa – Dr. Carrier

 

 

📌 Burnet- Dr. Bourdier

📌 Gabrielle – Dr. Carron

 

📌 Julie – Dr. Rothstein

 

📌 Audrey – Dr. MacPhail

 

📌 Alex – Dr. Ramey

 

📌 Lucy Dr. Heitsh

 

📌 Mélissa/CARRIER

MELISSA : Est-ce que vous pouvez me parler un peu de vos recherches ?

DR. CARRIER : Je suis un spécialiste de d’histoire des campagnes au Moyen Age, spécialement dans l’histoire des régions alpines, comme vous le savez je crois. J’ai travaillé depuis la fin des années 1990 sur les paysans qui se trouvaient dans la région du Mont Blanc, ce qu’on appelle la région du Fausignet ça a été le sujet de ma thèse. Surtout parce que c’est la région où je suis né en réalité. Et quand j’étais en université, en Master, (ça existe le grade de master aux Etats Unis ?)

MELISSA : Oui.

DR. CARRIER : Donc en France c’est le niveau où on commence à faire les premières recherches et mon directeur de master m’avait conseillé de travailler sur les archives d’un monastère qui se trouve à Chamonix, au pied du Mont Blanc. Et puis l’un dans l’autre, j’ai travaillé ensuite sur toutes les alpes du nord, la Savoie, a Haute Savoie, ce sont des département français, à partir des comptes, des documents qui servent à compter que la Savoie, qui était une grande principauté qui s’étendait des deux côtés des Alpes, a laisser parce qu’il y avait toute une administration. Et cette administration dépensait de l’argent, recevait des impôts, et la trace de tout ça a été conservée sur des rouleaux de parchemin, qui sont aujourd’hui encore conservés dans des dépôts d’archives. Donc ça laisse des traces de toutes les activités qui coutaient de l’argent ou qui ont rapporté ce qui était taxé. Et comme beaucoup de choses étaient taxées, on a beaucoup d’enseignement sur l’économie, sur l’agriculture, sur les transports, sur les statuts des personnes, est-ce que les paysans étaient libres, ou est-ce qu’ils étaient serfs au contraire.

Ça a été l’objet de ma thèse de doctorat, mon Ph.D. Ça m’a permis de rentrer à l’université en 2001, et depuis j’ai poursuivi mes recherches dans deux directions, à la fois en étudiant les communautés rurales des Alpes, j’ai écrit un livre là dessus avec un autre chercheur qui s’appelle Fabrice Mouton (???).  Et puis en travaillant aussi sur la servitude paysanne, le servage. Ça a été l’objet d’un autre livre en 2012 sur le servage dans l’ancien royaume de Bourgogne.

MELISSA : Merci beaucoup. Et pourquoi vous intéressez vous sur la mise en valeur des Alpes au Moyen Age par rapport aux autres régions de la France ?

DR. CARRIER : Quand j’ai commencé déjà c’était original parce que personne ne s’en était occupé, et si vous voulez en Europe, quand on pense au Moyen Age on pense par exemple aux grandes cathédrales du royaume de France. Même quand on pense à l’histoire des campagnes, on pense par exemple à ce qu’on appelle le bassin parisien c’est-à-dire la région qui se trouve autour de Paris—on ne pense pas tellement à la montagne. Et en réalité la mise en valeur des Alpes, la conquête des Alpes, c’est un aspect d’un phénomène qu’on appelle les grands défrichements en Europe. C’est-à-dire un grand phénomène qui a commencé dès l’époque de charlemagne à peu près qui a duré jusqu’à l’époque de saint Louis donc entre le IXe et XIIIe siècles, et qui est la naissance de mon paysage, des paysages européens d’aujourd’hui et de leur mise en culture des Alpes aussi du coup. Quand il n’y a plus assez de place dans les campagnes les gens se sont mis défricher les Alpes.

MELISSA : C’était après qu’il y avait plus de place a la campagne que les gens sont allés au Alpes ?

DR. CARRIER : Voila. Parce que quand on est agriculteur pour aller dans les montagnes il faut être un peu courageux. Et comme les gens avaient beaucoup d’enfants etc. il fallait conquérir des nouveau terres d’où la conquête des alpes.

 

📌 Gabrielle

GC: Pouvez-vous parle de votre recherche?

JCC: J’ai fait ma thèse de doctorat sur un poète de la Pléiade qui s’appelle Pontus de Tyard.   C’est quelqu’un qui est une espèce de personnage, un homme de la Renaissance « de la Renaissance ». C’était un poète, un théologien qui a fini par être évêque, un homme de science de la renaissance qui s’est occupé d’astronomie, qui s’est occupé de l’histoire du temps, qui a écrit d’une façon importante une série de discours philosophiques sur tous les aspects des connaissances de l’époque du 16e siècle et aussi des poèmes, un recueil de poésie un peu à la manière de Ronsard et du Bellay, et son traité s’appelle -c’est un recueil dans l’esprit de Petrarque– qui s’appelle les Erreurs amoureuses -trois volumes de ses Erreurs amoureuses. Il a aussi écrit des traités extrêmement érudits sur la valeur sur le sens des mots « De recta nominum impositione » : « comment donner aux choses le nom correct ». Je pense qu’il savait un peu d’hébreu encore aussi, il a traduit en français un grand dialogue d’un philosophe juif qui avait quitté l’Espagne en 1492 et venu en Italie, il s’appelle Léon l’hébreu (Leon Hebreo),   dialogues d’amour. Donc c’est un poète néoplatonicien et pétrarquisant et c’est un penseur universel de l’époque qui a beaucoup influencé. Un de ses textes s’appelle Le solitaire premier et c’est un texte qui a théorisé et vulgarisé les conceptions néo-platoniciennes du poète et de la poésie. Donc voila un peu le personnage, très hétéroclite et aussi un homme politique qui a travaillé pour le roi. Lui était bourguignon, il a aussi été impliqué dans les guerres de religion. Un homme du juste milieu soutenant la position du roi contre les extrêmes aussi bien catholiques que protestants. Voilà un peu le personnage, ensuite j’ai beaucoup travaillé justement sur les dialogues philosophiques à la renaissance, c’est un genre poétique qui hérite à la fois de Lucain pour la satire, qui hérite de Platon. Tout au début j’avais travaillé sur le XIXe j’avais publié un article sur un poème de Mallarmé et dernièrement je travaille sur l’histoire de la nourriture. Le XVIe siècle j’avais publié en Italie une traduction d’un livre de cuisine du milieu du XVIIe The French Cook, le cuisinier français. voilà un peu je sais pas si j’oublie des choses et J’enseigne un peu cette période-là, j’enseigne un cours qui est un inventaire du Moyen-Âge et de la renaissance, je fais aussi la littérature et la culture françaises médiévales renaissantes de la Chanson de Roland à Montaigne. (cut at 4.08)

📌 Julie

Je vais en parler de mes recherches. En fait j’ai écrit un livre sur la réception d’Amadis de Gaule en France au seizième siècle. Il s’agit d’une soi-disant traduction qui est en fait une adaptation, c’est-à-dire que la version française est nettement distante de l’original espagnol qui est plein de sermons et de choses bien tristes, tandis-que, le français est beaucoup plus élégant beaucoup plus courtois, et intéressait toute l’Europe.  Si Amadis de Gaulle est devenu un best seller en France et a été traduit en Allemagne et en Angleterre, c’est à cause de la traduction française et pas à cause de l’original espagnol qui est bien distinct. Et Amadis continue et continue et continue la série à la fin, au début de la 17esiècle, la série contait 22 volumes. Je n’en sais rien de ce qui a continué,  je m’intéresse seulement dans les premiers quelques volumes. Et même là, il y avait beaucoup d’illustrations. Et ça reprend le propos qui vous avait intéressé concernant, mais c’est encore plus intéressants, parce que là il y avait une discussion dans mon livre sur Amadis de l’emploie des illustrations dans la traduction, l’adaptation, je préfère, de Nicolas Herberay des Essarts et les volumes ont été publiés par Denis Janot à Paris qui avait un énorme stock de bois pour illustrer les livres qu’il publiait. Donc dans les premiers volumes, forcément, la plupart des illustrations sont des bois créés pour la première fois. Les volumes postérieurs, pardon, Janot a utilisé des blocs qu’il avait déjà utilisés dans le premier livre. Dans le troisième livre encore plus de ré-apparence des bois.  Et ce qui est intéressant c’est que parfois ces bois sont simplement des beaux.  Et parfois c’est un navire, quand dans le chapitre il s’agit d’un voyage, c’est-à-dire qu’il y a un rapport vague et thématique,  et parfois c’est une illustration c’est à dire un bois qui ou connait l’histoire d’Amadis on peut lire ce qui se passe dans tout un chapitre en pas mal de détails mais ce bois est réutilisé    pour un autre chapitre ou le bois devient une sorte de commentaire sur le chapitre sur ce qui arrive dans un autre chapitre,  donc c’est assez délicat et compliqué et très intéressant.  Et voilà pour mes recherches sur Amadis de Gaule et aussi pour revenir aux illustrations.

    À ce moment je suis au milieu de projeter sur l’idée que l’idée de privauté n’existe en effet pas au XVIe siècle. Au lieu de cette opposition qu’on a tendance à faire à l’époque moderne où on oppose ce qui est secret à ce qui est privé, c’est une fausse opposition au XVIe siècle, il vaut mieux penser à ce qui est pôle public, connu par tout le monde, et ce qui est secret c’est-à-dire connu seulement par très peu de monde et contrôlé. C’est que l’idée de ce qui est privé devient très vague et difficile.  Les chambres n’étaient pas privées. Le roi dormait dans une grande chambre.  La chambre du roi dans la plupart de ses châteaux avait à peu près 10 mètres par 10 mètres, c’est-à-dire une pièce énorme, et dans la chambre de roi couchaient pas seulement le roi mais un nombre d’autres personnes. Et certainement il y avait à un petit lit à côté du lit du roi pour ce qu’on appelle leur premier gentilhomme de la chambre.  Donc le roi ne couchait pas seul. Et nous savons aussi qu’à l’époque d’Henri II, il invitait assez souvent ses favorits à coucher dans son propre lit. Ce n’était pas une invitation homosexuelle, c’était simplement une invitation qui permettait au roi et à son conseiller de parler sans être écouté par d’autres gens et sans être vu par d’autres gens à la cour. Merci encore. Merci encore.  Merci bien. Bonne chance. Bon courage.  Au revoir.

📌 Audrey/MACPHAIL

Audrey : Mr MacPhail, vous êtes professeur à l’Université de Bloomington Indiana, et vous êtes spécialiste de la Renaissance. Pourriez-vous nous parler un peu plus de votre spécificité dans la Renaissance ?

Dr MacPhail : Je suis prof ici a l’université depuis 30 ans et je donne des cours de langue et littérature française et je suis seiziémiste comme on dit. Je suis spécialiste du XVIe siècle, des lettres classiques, des lettres modernes, et je suis spécialiste de l’humanisme de la Renaissance, l’humanisme Européen. A l’intérieur de ce très vaste sujet, je suis spécialiste d’un auteur néo-latin Érasme. Je suis depuis 6 ans le rédacteur en chef d’une revue consacrée à Érasme qui s’appelle Erasmus Studies. C’est une revue fondée en 1981 et au début c’était uniquement pour les spécialistes d’Érasme, ce qui veut dire forcement des néo-latinistes parce qu’Érasme n’écrivait qu’en latin à part quelques poèmes. Mais en fait, j’ai essayé d’élargir un peu le public parce que les néo-latinistes ne sont pas très très nombreux et pourtant tous les articles doivent regarder d’une manière ou d’une autre, Érasme, sa carrière, son édition du Nouveau Testament. En fait Érasme intéresse énormément les historiens de la religion. On essaie d’approfondir la recherche sur Érasme, son époque et son milieu.

Audrey : Si on pouvait retourner à votre publication Dancing around the Well, vous mentionnez Rabelais dans cette recherche à propos des « mots gelés » et des formes figées, c’est quelque chose qui est important pour nous, est-ce que vous pourriez nous expliquer en quoi est ce que vous pensez que Rabelais a contribué à dégeler ces mots ?

Dr McPhail : Donc, au Quart Livre, il y a l’épisode des Paroles Gelées. C’est un épisode qui se prête très facilement à l’allégorisation, n’est-ce pas ? Que font ces paroles gelées ? Et, bon, les formes figées, c’est une locution linguistique n’est-ce pas on parle des formes figées et je me suis dit qu’on pourrait lire cet épisode comme une réflexion sur la circulation des lieux communs tels les proverbes, les dictons, les adages…. Là, j’essaie de relier Rabelais avec Érasme qui était entre autres choses le grand compilateur d’adages à la Renaissance. Mais Rabelais écrit en français et pas en latin. Il puise nécessairement dans les sources de la langue vulgaire, mais Rabelais est en même temps un humaniste qui est aussi à l’aise en Latin qu’en français. J’ai insisté là sur le fond Érasmien de la réflexion Rabelaisienne.

Audrey : Est ce qu’on peut rapprocher du coup, ce que Rabelais a fait là avec ce dont vous parlez dans L’Écolier Limousin où vous comparez aussi les deux auteurs qui reprennent des formes latines et qui écorchent le latin. Quel est d’après vous le but de Rabelais de latiniser le vernaculaire qu’il utilise ?

Dr MacPhail : le plus souvent on veut voir dans cet épisode, il s’agit de l’épisode de l’écolier limousin ou Pantagruel rencontre un étudiant qui parle un français très bizarre et qui se fait punir pour avoir outragé le langage naturel. Et donc on veut voir le plus souvent une satire, un abus de langage. Mais moi j’ai une autre idée, j’ai voulu parler de l’élégance, n’est-ce pas de l’écolier limousin parce qu’en fin de compte, l’écolier réussi à accepter certains néologismes dans la langue française. Et aussi, j’ai voulu relier cet épisode a un ouvrage très célèbre de l’humanisme du XVe siècle : Les élégances en Langue latine (Lorenzo Valla) et donc c’est pour cela que j’ai parlé de l’élégance de l’écolier limousin. Et encore j’ai voulu voir chez Rabelais cette inspiration Érasmienne parce que Érasme parle beaucoup du fait que les gens de lettre ne sont pas obligés d’employer la langue de tout le monde, la langue de tous les jours ; que leur langue à eux, n’est pas la langue quotidienne. Et donc pour moi l’écolier n’est pas nécessairement un objet de satire. Finalement, le français, comme d’autres langues nationales de l’époque, a voulu accueillir beaucoup de latinismes. Et on peut relier cet épisode à l’ouvrage de Du Bellay sur l’Illustration de la langue française, n’est-ce pas, comme moyen d’illustrer la langue.

📌 Burnet/BOURDIER

Burnet: Je voudrais savoir votre motif pour écrire au sujet du voyage en enfer dans le temps et dans l’espace ?

Dr. Bourdier : Bonjour, et bien en fait, je voulais étudier l’enfer parque c’est un concept qui a été créé, défini par le Moyen Age. Je voulais surtout prouver que l’enfer du Moyen Age occidental n’avait rien à voir avec l’enfer que l’on trouve dans l’antiquité : chez les Grecs, chez les Romains,  mais aussi bien plus loin dans Babylone, voire le premier texte… Gilgamesh. C’est vraiment un texte… pardon, c’est vraiment un enfer qui est réellement différent. En fait, ce qui est intéressant avec l’enfer du Moyen Age, c’est que pour pouvoir le décrire, c’est un endroit d’où l’on n’est pas sensé revenir. Il fallait pouvoir le visiter, donc en fait, ils ont mis en place des tas de textes, des histoires, des textes-fictions, des fabrications qui décrivaient l’enfer au travers d’un voyage. Et donc j’ai défini, j’ai nommé ces textes comme étant des témoignages de voyages en enfer chrétien parce qu’en fait ce qui est le plus intéressant, c’est qu’ils sont fournis comme étant des témoignages. Alors les témoignages vont permettre effectivement de ramener des détails très importants mais sur l’enfer : donc des descriptions, des choses qui peuvent être communes avec les enfers de l’antiquité, des diables, de choses comme ça, et c’est surtout au niveau du mécanisme du voyage qui va être complétement différent, le but du voyage est différent, c’est pourquoi le témoignage est en fait le but du voyage en enfer. C’est-à-dire qu’on envoie un voyageur en enfer pour recolleter des informations, revenir, et venir dire aux chrétiens, aux pécheurs ce qu’ils vont vivre et comment ils vont le vivre, pourquoi ils vont le vivre en fonction de leurs péchés.

Burnet : Oui, dans ce cas pensez-vous qu’il y ait une relation entre votre définition des témoignages de l’enfer avec la résurrection de Lazare ?

Dr. Bourdier : Oui, bien en fait, effectivement, on a une histoire qui est l’histoire de Lazare de Béthanie qui effectivement est revenu des morts, a été ressuscité par le Christ et qui est un des premiers voyageurs en enfer et qui est en fait le premier voyageur en enfer chrétien, puisqu’il a visité l’enfer avant le Christ lui-même qui apparait dans la Bible mais qui à l’époque n’avait pas fait de grands textes, qui n’avait particulièrement intéresse les Apôtres qui n’en ont pas parlé plus que ça. Mais je pense que vous faites référence au texte qui a été produit de façon très, très dense au XIIIe, au XIVe siècle et plus encore au XVe siècle des peines d’enfer qui décrivent effectivement le voyage de Lazare. Et là en fait, c’est un texte qui est très intéressant. C’est un texte qui est en fait laïque, c’est-à-dire ce sont les producteurs, les auteurs vernaculaires laïques qui ont décidé au XIVe siècle de s’emparer de l’histoire de Lazare. Il y a une raison, c’est que Lazare était très, très présent en France. Il était censé être revenu avec Marie en France par bateau après la mort du Christ, après la résurrection et le départ du Christ. Donc en fait Lazare est un personnage qui était très important en France. Et je pense que c’est la raison pour laquelle l’histoire de sa résurrection et de son voyage en enfer a semblé opportun à de nombreux auteurs. Et effectivement, ce qui est intéressant dans ce texte, c’est que c’est vraiment un texte hyper pédagogique puisqu’il est découpé en tranches qui sont des tranches basées sur les péchés capitaux et qui sont basés sur la vue, donc vraiment sur le témoignage. Lazare dit : j’ai vu, j’ai vu dit Lazare, premièrement j’ai vu dit Lazare, secondement, j’ai vu dit Lazare et qui à chaque fois va décrire un péché particulier. On voit que c’est aussi un texte extrêmement populaire puisqu’extrêmement décoré donc, avec des plaques (on sait que les plaques qui servent à faire des décorations ne peuvent pas être nécessairement toujours réutilisées). Elles coûtent énormément d’argent à être produites, et on a, un texte qui va en plus va être popularisé au travers du Kalendrier et Kompost des Bergiers qui est un best-seller à la fin du Moyen Age en particulier après le développement de l’imprimerie mobile, donc de l’imprimerie dite de Gutenberg qui va permettre de répandre Le Kompost, qui est une sorte d’almanach d’abord dans les villes parce qu’il a d’abord été fabriqué sur Paris et ensuite sur la France entière. Alors quelle est la relation entre, entre ces textes ? En fait, c’est un texte qui n’est pas drôle, qui n’est pas amusant, qui n’est pas varié, qui n’est pas très fictionnel et c’est vraiment un texte qui est très pédagogique et qui semble très sérieux, très posé. En fait c’est un texte un peu atypique par rapport au reste des témoignages puisqu’il manque totalement de fantaisie.

Burnet : En ce cas, pensez-vous qu’il y ait aujourd’hui certaines répercussions de ce genre de témoignage en enfer dans notre temps présent ?

Dr. Bourdier : Tout à fait, tout à fait, parce que si je vous dis de penser à l’enfer, que vous y croyiez ou pas, vous allez tout de suite penser à l’imagerie que l’on trouve dans les témoignages d’enfer. Vous allez penser aux roues, vous allez penser aux flames, vous allez penser aux monstres, aux démons, au froid, au chaud, aux tortures, donc même si vous êtes d’une religion ou d’une conviction qui ne croit pas en enfer, en un enfer physique et tangible. C’est la première image qui va vous sauter aux yeux. Vous allez penser à Satan, à Lucifer, qui est une invention purement médiévale. Vous allez penser à des monstres, à toutes ces choses, et ça c’est vraiment la répercussion, c’est-à-dire qu’on a un enfer donc un objet complétement fictionnel puisque de toutes façons on a aucune preuve de son existence… On sait que les personnes, les théologiens, les pères de l’Eglise quand ils ont conçu l’enfer, ils pensaient plutôt à un enfer métaphysique, un enfer psychologique. L’enfer c’est la séparation de Dieu. Et, malgré tout, on a ces images qui reviennent, ces images  qui sont à la fois des images graphiques parce qu’on a pu les voir mais aussi des images textuelles, c’est une imagerie, donc avec toute la partie imaginaire collective, qui est lié à un imaginaire collectif. Donc oui, une des raisons pour lesquelles j’étudie ces témoignages depuis autant de temps, c’est parce qu’effectivement, ils ont marqué l’imaginaire collectif, du monde entier puisque même des gens qui sont de culture complétement différente, qui n’ont même pas d’enfer, si on leur parle de l’enfer, ils vont penser à ces images.

 

📌 Alexis/RAMEY

AD : Pouvez-vous m’expliquer vos recherches sur la race et l’identité en Europe pendant le Moyen Âge, s’il vous plaît ?

LR : Oui. Je vais vous expliquer un peu pourquoi et comment j’ai procédé avec mes recherches. Et donc, j’ai commencé avec une thèse de doctorat sur les interactions entre les chrétiens et les musulmans au Moyen Âge. Et dans cette thèse, j’ai vu comment la relation a été mise en scène dans les textes médiévaux, dans les textes littéraires en particulier. Mais ce que j’ai remarqué alors était aussi que tout le monde disait que—à l’époque—donc tout le monde disait qu’il n’y avait pas de concept de race au Moyen Âge comme si c’était un moment privilégié où tout le monde vivait ensemble—les chrétiens, les musulmans, les juifs. Et il y avait des problèmes, bien sûr, mais généralement, ils n’étaient pas de différence entre les personnes. Mais ce n’était pas ce que j’avais remarqué moi-même. Pour moi, il y avait des scènes, des moments gênants dans les textes du Moyen Âge où on a parfois parlé de la couleur de la peau, ou bien d’autres choses qui correspondrait aujourd’hui a une notion de race. Et donc, j’ai commencé à penser à ça. Mais je crois que … je comprends pourquoi on a dit ça. C’est que pendant cette période, il n’y avait pas de mot pour ça, il n’y avait pas de mot pour « race ». Mais je crois quand même que ce qu’on a fait, c’était de construire les bases de ce qui allait venir par la suite. Donc les problèmes de notre société aujourd’hui étaient déjà dans le passé. Et c’est ça qui m’intéressait le plus, je crois. C’est que … comment est-ce qu’on a utilisé les concepts de différence du Moyen Âge qui étaient différentes des idées que nous avons, ça c’est sûr, mais on a utilisé ses idées pour persécuter des gens, pour faire de mauvaises choses quoi. Donc, c’est ça qui m’intéressait.

AD : Oui. Qu’est-ce qui vous a incité à approfondir ce sujet ?

LR : Moi, j’ai 54 ans et je suis née en Alabama dans le sud des États-Unis. Et donc j’ai vécu toute ma—pas toute ma vie, parce qu’après le lycée, je suis allée à l’université puis je suis allée en France et ailleurs. Mais pendant les années 60 et 70 aux États-Unis, c’était le moment de la déségrégation et de beaucoup de conflits. Mais moi, en tant que jeune enfant, je ne savais pas ce qui se passait vraiment. Tous ce que je savais, c’était qu’il y avait des groupes qui ne se mélangeaient pas du tout et il y avait des situations que je ne comprenais pas. Par exemple, quand j’étais jeune et que je voyais les drapeaux sudistes, je n’y voyais pas de symbole de racisme. Je voyais un drapeau qui avait quelque chose à voir avec la guerre de sécession, je croyais tout ce qu’on me disait, n’est-ce pas ?  Que « Oh, non c’est une question de pouvoir entre les États ! » et tout ça. Et ensuite je suis allée ailleurs et j’ai vu un peu le monde. J’ai même travaillé pour les Corps de la Paix et j’étais dans un environnement où j’étais minoritaire, n’est-ce pas, en tant que  blanche, on disait « européenne » même si je ne suis pas du tout européenne ; on disait « les Européens ». Et j’ai vu qu’il y a des—à cause du colonialisme et du passé—qu’il y a toutes sortes de complexités. Et pour moi, j’avais des questions, et surtout autour de la question de comment on utilise le passé et la religion, à vrai dire, comme excuse pour la discrimination, c’est une question de pouvoir, je crois. Mais de questionner l’humanité des autres. Et donc ça c’est ce que j’ai cherché dans ces textes afin de comprendre, sinon les racines de ce problème, au moins comment cela s’est développé et comment est-ce que nous sommes arrivés ici aujourd’hui.