Mardi 5 novembre, jour 22
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18 octobre 1534
L’Affaire des placards
Dans la nuit du 18 octobre 1534, des protestants français placardent des proclamations contre la messe en différents lieux du pays et jusque sur la porte de la chambre de François Ier, à Amboise.
C’est la première manifestation d’hostilité entre protestants et catholiques en France. Elle mènera vingt-cinq ans plus tard aux guerres de religion…
Née en Allemagne une quinzaine d’années plus tôt, la Réforme luthérienne avait lentement pénétré en France. En 1522, un moine français défroqué se marie à Wittenberg, la « Rome » de la nouvelle religion. D’autres ecclésiastiques suivent ses traces et se forment à la doctrine nouvelle qu’ils reviennent enseigner en France.
Contre ces hérétiques, les théologiens de la Sorbonne et du Parlement renouent avec une vieille recette, également employée contre les sorciers : le bûcher.
Le premier à en faire les frais, le 8 août 1523, devant Notre-Dame de Paris, est un ancien moine de Livry-en-Aulnois (aujourd’hui Livry-Gargan), Jean Vallière. À Meaux, à l’est de Paris, Jean Leclerc, un ancien cardeur de laine, est supplicié et meurt en odeur de sainteté le 29 juillet 1525. Mais la plupart des procès en hérésie se terminent de façon plus accommodante.
Dans la nuit du 1er juin 1528, la mutilation d’une statue de la Vierge (les protestants contestent le culte adressé à la mère du Christ) émeut les Parisiens et le roi.François Ier en personne se met à la tête d’une procession d’expiation. Le temps fait heureusement son oeuvre.
Le roi de France, relativement indifférent aux questions religieuses, fait preuve d’une certaine ouverture d’esprit, n’hésitant pas à nouer des alliances avec les protestants d’Allemagne et le sultan de Constantinople.
Mais il prend fort mal l’« affaire des placards » qui porte atteinte à l’institution ecclésiastique et, par voie de conséquence, à la monarchie de droit divin.
Ces placards ou affiches ont été rédigés par Antoine Marcourt, un pasteur de Neuchâtel, en Suisse, adepte de Zwingli, et imprimés dans la même ville.
Ils s’intitulent : « Articles véritables sur les horribles, grands et insupportables abus de la messe papiste, inventée directement contre la sainte Cène de Notre Seigneur, seul médiateur et sauveur Jésus-Christ ».
Ils insultent la religion catholique, son clergé et ses rites en des termes si injurieux que même des protestants les désapprouvent. Ainsi dénoncent-ils la messe : « On ne doit pas réitérer le sacrifice du Christ » et le dogme de l’Eucharistie qui affirme la présence réelle du corps du Christ dans l’hostie consacrée : « Il ne peut se faire qu’un homme de vingt ou trente ans soit caché en un morceau de pâte».
Le roi n’est-il pas lui-même « roi par la grâce de Dieu », seul laïc habilité à communier sous les deux espèces, le pain et le vin, au moment du sacre? L’idée que tous les fidèles de Luther s’autorisent la communion sous les deux espèces contribue à sa colère.
En représailles, le roi s’engage à réprimer les « mal sentants de la foi ». Aux carrefours, on promet 200 écus à quiconque dénoncera les auteurs des placards et les arrestations se multiplient.
Le 13 novembre suivant, un premier hérétique est brûlé. Le 13 janvier 1535, le Parlement de Paris crée une commission spéciale, la « chambre ardente » pour traquer les livres séditieux. Un édit royal prohibe l’imprimerie et ferme les librairies. C’est la première manifestation de censure depuis l’invention de l’imprimerie.
Enfin, le 21 janvier 1535, une journée d’expiation solennelle se clôt par la mort sur le bûcher de six nouveaux hérétiques protestants. « chambre ardente ». Le soir, le roi déclare devant une assemblée de notables : « Si mon bras était infecté de telle pourriture, je le voudrais séparer de mon corps ».
Le juriste Jean Calvin, établi à Nérac, sous la protection de la soeur du roi, Marguerite de Navarre, est compromis à son corps défendant. Il préfère se réfugier à Bâle où il publie L’Institution de la religion chrétienne pour tenter de convaincre le roi du bien-fondé de la Réforme.
Là-dessus, la colère du roi s’estompe, notamment sous l’influence de sa soeur, proche des cercles protestants. Le 29 juillet 1535, tandis qu’il renforce son alliance avec les princes protestants d’Allemagne contre son rival Charles Quint, il publie l’édit de Coucy qui prononce une amnistie générale.
Nouveau revirement avec un édit publié à Fontainebleau en 1541, qui prescrit aux seigneurs justiciers de reprendre la chasse aux hérétiques. En 1546, le pasteur de Meaux, qui n’est autre que le frère du martyr Jean Leclerc, est arrêté à l’issue d’une Cène et conduit au bûcher avec treize autres fidèles.
Parmi les autres victimes de la répression (au total 400 à 500 personnes) figure l’humaniste et imprimeur lyonnais Étienne Dolet, brûlé sur la place Maubert, à Paris, le 3 août 1546, pour cause d’impiété.
Entre le 15 et le 20 avril 1545, François Ier consent au massacre de 3000 Vaudois établis dans la montagne du Luberon (*), au sud de la France. Une vingtaine de villages sont dévastés par la soldatesque du sieur d’Oppède, sur un ordre du parlement d’Aix. 600 survivants sont envoyés aux galères.
Cette action ternit les dernières années du roi, qui meurt deux ans plus tard avec, dit-on, un très vif regret de cette décision.
Les Vaudois se réclament d’un certain Pierre Valdo qui prêchait à Lyon au XIIe siècle et fut excommunié vers 1182. Comme les Cathares de la région de Toulouse ou encore les Patarins italiens, il dénonçait la décadence morale du haut clergé et revendiquait une église plus proche des vertus évangéliques de charité et de pauvreté. Après le massacre du Luberon, les derniers Vaudois se fondent dans la Réforme protestante.
La disparition de François Ier est suivie d’un court répit mais l’intolérance religieuse reprend le dessus après la mort de son successeur Henri II et débouche sur les guerres de religion
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Les placards contre la messe (1534) Articles véritables sur les horribles, grands et insupportables abus de la messe papale, inventée directement contre la sainte cène de notre Seigneur, seul Médiateur et seul Sauveur Jésus Christ.J’invoque le ciel et la terre en témoignage de Vérité, contre cette pompeuse et orgueilleuse messe papale, par laquelle le monde (si Dieu bientôt n’y remédie) est et sera totalement ruiné, abîmé, perdu et désolé : quand en [elle] notre Seigneur est si outrageusement blasphème et le peuple séduit et aveuglé, ce qu’on ne doit plus souffrir ni endurer… 1°) A tout fidèle chrétien il est et doit être très certain que… Jésus Christ, comme grand Évêque et Pasteur éternellement ordonné de Dieu, a [donné] son corps, son âme, sa vie et son sang pour notre sanctification, en sacrifice très parfait : lequel ne peut et ne doit jamais être réitéré par aucun sacrifice visible…’ Et toutefois la terre est… remplie de misérables sacrificateurs, lesquels, comme s’ils étaient nos rédempteurs, se mettent au lieu de Jésus Christ ou se font [ses] compagnons, disant qu’ils offrent à Dieu sacrifice plaisant et agréable… pour le salut tant des vivants que des trépassés : laquelle chose ils font [ouvertement] contre toute vérité de sainte Écriture (Epître aux Hébreux, ch. 7, 9, 10)… 2°) En cette malheureuse messe, on a provoqué quasi l’universel monde à idolâtrie publique, quand faussement on a donné à entendre que sous les espèces du pain et du vin Jésus Christ est contenu et cache corporellement, réellement et… personnellement, en chair et en os, aussi grand et parfait comme à présent il est vivant. Ce que la sainte Ecriture, et notre foi, ne nous enseigne, mais… au contraire. Car Jésus Christ après sa résurrection est monté au ciel, assis à la [droite] de Dieu le Père tout-puissant et de là viendra juger les vivants et les morts… Par quoi il s’ensuit bien, si son corps est au ciel, pour ce même temps, il n’est point en la terre… 3°) Ces sacrificateurs aveugles… ont en leur frénésie encore dit et enseigné qu’après avoir soufflé ou parlé sur ce pain, qu’ils prennent entre leurs doigts et sur le vin, qu’ils mettent au calice, il n’y demeure m pain ni vin, mais… par transsubstantiation, Jésus Christ est sous les accidents du pain et du vin caché et enveloppé… Où ont-ils inventé et trouvé ce gros mot « transsubstantiation » ? Saint Paul, saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et les anciens Pères n’ont point ainsi parlé ; mais quand ils ont fait mention de la sainte cène, ils ont [ouvertement] et simplement nommé le pain et le vin… 4°) Le fruit de la messe est bien contraire au fruit de la sainte cène de Jésus Christ, ce qui n’est pas [étonnant], car entre Christ et Béhal il n’y a nen commun. Ce-fruit de la sainte cène de Jésus Christ est de publiquement faire protestation de sa foi et en confiance certaine de salut avoir actuelle mémoire de la mort et passion de Jésus Christ, par laquelle nous sommes rachetés de damnation et perdition. Avoir aussi souvenance de la grande charité et dilection de quoi il nous a tant aimés qu’il a donné sa vie pour nous… Aussi, en prenant tous d’un pain et d’un breuvage, nous sommes admonestés de la chanté et grande union en laquelle tous d’un même esprit nous devons vivre et mourir en Jésus Christ. Mais le fruit de la messe est bien autre… Par elle toute connaissance de Jésus Christ est effacée, la prédication de l’Évangile est rejetée et empêchée, le temps est occupé en sonneries, hurlements, chanteries, cérémonies, luminaires, encensements, déguisements et telles manières de singeries, par lesquelles le pauvre monde est comme brebis ou moutons misérablement entretenu et [dupé] et par ces loups ravissants mangé, rongé et dévoré…Ils tuent, ils brûlent, ils détruisent, ils meurtrissent comme brigands tous ceux qui [les] contredisent… Vérité les menace. Vérité les suit et pourchasse. Vérité les épouvante. Par laquelle [bientôt] ils seront détruits. [Ainsi soit-il !] Amen.
Source : Marianne Carbonnier-Burkard et Patrick Cabanel, Une histoire des protestants en France, Paris, Desclée de Brouwer, 1998