En 1857, Charles Baudelaire a publié Les Fleurs du Mal, la plus célèbre collection de ses poèmes.  Parce que les poèmes sont si populaires, ils ont été traduits à maintes reprises, mais certains ignorent le champ linguistique de Baudelaire et perdent ses sentiments. Ce morceau sera une réflexion sur un des poèmes de sa collection, « Les Chats, » et une de ses traductions anglaises. Qu’arrive-t-il quand un traducteur ignore les connotations des mots et se concentre plutôt sur les vers ? Cet article analyse une traduction de « Les Chats » par Roy Campbell, et finalement il offrira une nouvelle traduction.baudelaire

Dans la première strophe, Campbell traduit assez bien les sentiments de Baudelaire ; pourtant, il n’accentue pas les paradoxes. Par exemple, dans la première ligne, Campbell traduit « ferventes » comme « fervent » et « austères » comme « austere ». Oui, ces mots sont les traductions les plus directes entre les deux langues, mais ne sont pas assez forts pour distinguer les émotions provoquées par les deux mots en français. Un autre paradoxe apparaît dans la troisième ligne : « Les chats, puissants et doux ».  Baudelaire veut dire qu’ils possèdent une force qui est tempérée par leur douceur. Cependant Campbell les traduit directement et l’essence de ces mots opposés est perdue : il les décrit comme « strong, mild, » mots qui ne montrent pas l’opposition binaire que Baudelaire affiche partout dans le poème. Dans la dernière ligne de cette strophe, Campbell ajoute des mots, dont « chilly stealth » et « sedentary sloth », qui n’apparaissent nulle part dans l’écriture originale.

La deuxième strophe commence avec un nouveau paradoxe : « Amis de la science et de la volupté ». Campbell pense qu’une substitution pour le mot « volupté » est « lust ». En anglais les connotations pour « lust » sont brutes et vulgaires ; la volupté n’est pas le désir sexuel mais le plaisir exquis. Ensuite, dans la troisième strophe, Campbell semble inventer de nouveaux sentiments. Dès son début, il donne l’impression que les chats rêvent, mais, dans le texte original de Baudelaire, ils semblent seulement appartenir à un rêve où ils sont aussi nobles que les sphinx. Campbell traduit « des solitudes » comme « the gloom, » mais ce n’est pas du tout le sens du mot. De plus, Campbell dit que ce sont les chats « that seem to swoon into an endless trance », mais ils ne défaillent pas et ils ne sont pas dans une transe.

Campbell finit sa traduction de la même manière. Dans la premier ligne de la quatrième strophe, il engendre ces mots comme « tingle, » « shingle, » et « glance, » des mots dont le sens n’apparaît pas dans le poème. Il semble que le choix de mots est négligé en faveur de vers ; Campbell ne se soucie guère du sens réel ni du sentiment que Baudelaire essaie de transmettre. Par conséquent, il a créé un poème maladroit qui ne frappe ni l’oreille ni l’œil avec la même beauté que le morceau original de Baudelaire. Une nouvelle traduction de ce poème, cependant, manifeste la passion et mystère derrière l’original :

Cats

Fiery lovers and ascetic scholars

Equally love, in their ripe season,

Powerful yet delicate cats, pride of the house,

Who like them are distant and still.

 

Friends of erudition and pleasure

They search for the silence and terror of darkness

Erebus would make them his funeral messengers,

If toward servitude they could incline their pride.
They take in abstraction the noble attitudes

Of the grand sphinxes protracted at the bottom of their solitudes,

Who seem to sleep in a dream without end;

 

Their fertile loins have many magical sparks,

And particles of gold, like fine sand,

Glimmer starlike in their mysterious eyes.

– Erika Sparby, 2011

 

Les Chats

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres;
L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin;

Leurs reins féconds sont plein d’étincelles magiques
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

Baudelaire, Les fleurs du mal

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Poche : 158 pages, Editeur : Librio (5 mars 2004). Collection : Librio Poésie. Langue : Français. ISBN-10: 2290339075