Maeve O’Leary Sloan,
Les Couples Impairs
Paru en France en 1985 aux éditions de Minuit, La Salle de Bain est le premier roman de Jean-Philippe Toussaint, cinéaste et auteur réputé, est un homme très introspectif et curieux..
L’intrigue de l’histoire se concentre sur un jeune chercheur parisien qui vit à l’intérieur de sa baignoire. Après avoir obtenu une invitation à l’Ambassade d’Autriche, le jeune chercheur (dénommé «Je») prend le risque de laisser sa salle de bain. Le reste de l’histoire documente les expériences de «Je» dans le monde en dehors de sa salle de bain. Même si ce livre semble suivre l’histoire d’un jeune homme, il est également axé sur les relations humaines.
En Français, on utilise le mot couple pour définir une relation entre deux personnes, mais aussi on parle du couple moteur. Donc, les couples sont une force d’entraînement dans nos vies, qu’elles nous conduisent émotionnellement ou physiquement. Chez-Toussaint, on rencontre quatre types de couples: le couple fusionnel, le couple passionné, le couple parfait, et le couple indépendant. Les deux premiers sont peut-être plus influencés par les standards américains, alors que le dernier est une meilleure représentation de l’idéal français.
Tous les jours, nous sommes subconsciemment poussés à correspondre avec nos relations dans le moule de ce que le statu quo décrit comme un couple doit être. Par exemple, aux États-Unis, le couple idéal est interdépendant, ils communiquent ouvertement, et font tout ensemble. Alors qu’en France, le couple idéal est indépendant, et n’a pas nécessairement de nombreux point en communs, c’est la différence qui créé le couple.
Habituellement, ces différences culturelles restent dans les frontières. Et pourtant, avec la présence grandissante des médias dans nos vies, l’idéal américain d’un couple est devenu beaucoup plus fréquent dans les pays étrangers.
Dans son roman, La Salle de Bain, Jean-Philippe Toussaint suggère qu’il n’y a pas seulement un idéal. Il le fait en donnant aux lecteurs de nombreuses images de ce qui constitue un couple heureux. Et en fin de compte, il demande aux lecteurs de réfléchir pour décider lequel a la relation la plus profonde.
Le premier couple que Toussaint présente aux lecteurs est composé de deux personnes quasi-jumelles (Partie 1, Chapitre 36). Ce couple entre dans l’histoire après qu’ils vendent leur appartement. Ils invitent les nouveaux locataires, «Je» et Edmonsson, à venir prendre l’apéritif. Toussaint se réfère toujours au couple comme «ils», signalant à son lecteur que le couple est entièrement fusionnel. Ils sont jumeaux, ils sont ils. Après que le couple apprend que «Je» est un chercheur, il tente de donner des conseils sur la façon dont il (comme une unité) ferai sa recherche différemment. Par conséquent, ce couple essaie de fusionner l’identité de «Je» à la sienne. Parce que le couple est tellement habitué à avoir une identité unique, ils essaient d’y intégrer tout le monde («Je» et Edmonsson inclus). Mais, comme Toussaint nous le montre, ce n’est pas toujours une bonne idée. Beaucoup de gens, comme les protagonistes, ont besoin d’avoir leur propre identité afin de fonctionner sainement dans leur couple.
Le deuxième couple que les lecteurs rencontrent est un couple célèbre et Français (Partie 2, Chaptire 4). Le couple est d’abord aperçu entrain de parler de Titian et de Véronèse, deux peintres qui sont très similaires dans leur travail. Les deux artistes peignent des scènes monotones, des hommes et femmes avec leurs enfants, ou de vieux hommes assis et qui regardent fixement dans l’espace. De la même façon, ce couple est aussi monotone. Cependant, les deux parlent la même langue. En incluant ce couple dans de nombreuses scènes, Toussaint indique aux lecteurs à quel point la communication est importante dans une relation – la communication, mais aussi la passion. Car si les deux étaient très différents l’un de l’autre, ils auraient toujours la même passion à partager : l’art. C’est ce qui les unit et ce qui maintient leur amour vivant. Peut-être la raison pour laquelle «Je» est tellement fasciné par ce couple, est parce qu’il sent qu’il a quelque chose à apprendre d’eux. Peut-être que sa relation avec Edmonsson s’améliorerait avec un peu plus de passion. Est-ce qu’avec Edmonsson il existe une passion partagée ?
Le troisième couple dans le roman est le médecin et sa femme. Par rapport aux normes américaines, ils forment le couple parfait (Partie 3, Chapitres 4-6). Ils visent un objectif identique. Ils ont une belle maison, beaucoup d’argent, et un enfant. Même si «Je» passe beaucoup de temps avec ce couple, il se rend compte que sa relation avec Edmonsson est différente. Ils ont tous deux des professions différentes, ne gagnent pas nécessairement beaucoup d’argent, et ils n’ont pas d’enfant ; Ils ne sont même pas mariés. Mais, simplement parce qu’ils ne peuvent pas cocher toutes les cases du standard de la perfection, ne signifie pas qu’ils ne construisent pas un couple solide.
En fin de compte, tous les traits que les lecteurs voient dans les différents couples sont essentiels à la santé d’une relation. Un couple doit chercher à être fusionnel, à communiquer, et à avoir les mêmes objectifs. Sont-ils nécessaires à de telles extrêmes qu’ils sont considérés dans le roman. Un couple peut être fusionnel, communicatif, et avoir les mêmes objectifs tout en restant indépendant et différent l’un de l’autre. Par conséquent, Toussaint propose que peut-être «Je» et Edmonsson sont le couple idéal, ou, peut-être qu’ils sont tout aussi idéal que tous les autres couples rencontrés.
Bien qu’ à la surface, ils composent un couple qui semble déconnecté, en vérité, ils sont toujours là l’un pour l’autre. Les deux se rencontrent dans l’espace de l’autre. Ils ne cherchent pas à créer un espace intermédiaire pour que les deux co-habitent, mais plutôt, ils respectent les différences de l’autre, et fonctionnent avec soutien dans leurs deux espaces distincts.
Après avoir lu le roman de Toussaint, nous devons alors nous demander, est-ce que l’amour entre deux personnes est plus profond lorsque leurs identités sont fusionnées ? Ou plutôt, est-ce que l’amour d’un couple est plus profond quand ils conservent des entités différentes, mais tout de même respectueuse ? Quelle est la meilleure façon d’aimer ? Faut-il renoncer à une partie de qui nous sommes pour aimer pleinement ? Ou plutôt, doit-on faire simplement un espace à côté de nous pour une autre identité ? Donc, pour avoir une relation saine, est-ce que c’est une question de compromis ou de composition ?
En fin de compte , même si l’intrigue principale de ce roman ne suit qu’un individu dans sa tête, Toussaint parvient à inclure subtilement les exemples de quatre types de couples différents au long de son texte. En ce sens, il envoie un message aux lecteurs à un niveau subconscient que les relations aident à se définir soi-même.
Ce livre a été lu tout autour du monde et ainsi touché différentes visions du couple. Par conséquent, ce sentiment que les relations saines sont la clé d’une vie heureuse est également parvenu à l’esprit de beaucoup. Étymologiquement, le mot «couple» ne fonctionne pas sans un individu. Un couple est un couple – il y a une personne qui définit une autre en quelque sorte. Les synonymes pour le couple au-delà d’une «paire» comprennent «un duo», «une tandem», etc. Tous ces mots fonctionnent sur l’hypothèse que deux personnes sont impliquées inséparablement. C’est pour cette raison qu’on utilise le terme «âme sœur» pour désigner nos partenaires car on est constamment à la recherche d’être le membre du couple parfait, toujours à essayer d’être défini, non seulement par nous-mêmes, mais aussi par un autre.
Dans un court-métrage qui s’appelle «Demi-Paire», une jeune femme découvre des objets chez-elle auxquels il manque une moitié, comme une seul chaussette, ou une paire de ciseaux cassée en deux. La femme erre, en essayant de trouver chaque demi-paire, mais sans succès, elle sort de chez-elle pour s’apercevoir qu’il manque une roue à son vélo. En face, il y a un homme auquel il ne reste que le roue manquante. Les deux mettent en commun leurs pieces, pour former un vélo qui fonctionne et ainsi resolvent leur problème à deux. Ce sentiment est vrai pour tous les couples que nous voyons dans La Salle de Bain. Le barman ne peut pas tenir une conversation sans «Je», les deux hommes polonais ne peuvent remodeler la cuisine sans l’aide de l’autre.
En lisant La Salle de Bain, l’idée qu’un couple ne peut pas fonctionner sans deux parties distinctes est confirmée. Plus précisément, il s’est affirmé à travers les images de quatre types de couples différents. De cette façon, Toussaint dit à ses lecteurs qu’il n’y a pas qu’un moule pour un couple heureux. Même si la plupart des cultures ont leurs propres idéaux distincts, il existe de nombreuses façons par lesquelles un couple peut s’épanouir, il lui suffit juste d’être deux.
Maeve O’Leary Sloan, Whitman College, Walla Walla, WA
Pour Madame Bourdier
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