Juliette Bourdier, “Chaîne de traduction, s’approprier le Tractatus pour translater l’Espurgatoire”, l’évolution de la langue et le traitement des intraduisibles au sein de la recherche, Editions des Archives contemporaines, (Sept. 2016): 45-53.

Chaîne de traduction, s’approprier le Tractatus pour translater l’Espurgatoire

| Editions des Archives contemporaines, Scientific Publisher since 1972 |
Chaîne de traduction, s’approprier pour translater Bourdier 2016.pdf
Beyond the debate on the need to present old French texts translated in modern French to the
public of the 21st century, the academic translator is sometimes confronted with a transformative chain of the original testimony. In the twelfth and thirteenth centuries, the contemplated medieval author is frequently translateor as Marie de France, subject of this study, who claims to be a translator of memory. Her texts adjust written, cunts, estoires, she has oïe, or that the escripture told her, and she proposes an implicit pact to the reader for which she transposes a diegetic world, sometimes result of a previous adaptation, and that she takes ownership arbitrarily to adapt it to her audience. The scientific translator, attentive to the rewriting of the medieval, is confronted with this succession of interpretations. By integrating the translation (that is, the passage between different hands), they interpret in turn the intention of the author, Marie de France, to reveal to the contemporary reader, a significance beyond the word.
Au-delà du débat sur la nécessité de traduire de l’ancien françois vers le français moderne[1], le traducteur académique se voit parfois confronté à une chaîne transformatoire du témoignage original. Au XIIe et XIIIe siècles, l’auteur médiéval envisagé est fréquemment translateor comme Marie de France, sujet de cette étude, qui se présente comme une traductrice de mémoire. Ses textes adaptent escrits, cuntes, estoires, qu’elle a oïe, ou que l’escripture li a dit. Ainsi, les Lais[2] mettent en écrit l’oral celtique ; les Fables[3] adaptent les Fables Easopique du roi Alfred ; la Vie Seint Audree[4] est inspirée de trois textes : Decunda translatione, Miracula Eltheldrede et Vita regina Northumbriam ; et finalement l’Espurgatoire Seint Patriz (Espurgatoire)[5] est une adaptation du Tractatus de Purgatorio Sanctii Patricii (Tractatus)[6] qui nous offre une topographie du futur. Marie, auteure, justifie son travail de la même manière pour ses quatre ouvrages dont elle cite les sources dans le prologue. Elle revendique son objectif, associant toujours son nom à la mémoire (dans l’incipit ou l’excipit).
Le pacte, qu’elle y fait avec son lecteur, suit en filagramme le devoir que s’octroie l’auteur médiéval envers sa langue vernaculaire et ceux qui la parlent, mais aussi la responsabilité attribuée à celui « qui sait » de transmettre ce savoir et d’en conserver la mémoire[7].
Pour l’Espurgatoire, il s’agit de li livres, ceste escripture, li escrit, al cunte ou nostre escrit (v.4, 30, 47, 91, 141), car elle ne traduit pas un auteur, elle traduit une langue. En se positionnant comme narrateur, dirai ço ke j’en ai oï et en féminisant les participes passés, purgatoire ço m’en sui ore entremise (v.15,10), elle devient actrice de son œuvre et s’attribue la transcription d’Henri.
Après avoir exposé la genèse du témoignage, nous réfléchirons aux implications sous-jacentes à l’exercice qui consiste à traduire un traducteur, sachant que pour Marie la traduction correspond au filtre nécessaire du médiateur qui translate un discours entre deux mondes, parce qu’au final, être traducteur c’est choisir.
[1] Bourdier, Juliette (2015), « Le Jeu et le Mot : sémiotique des passages chez Raoul de Houdenc », Atelier de Traduction, N°23, Editura Universităţii din Suceava.
[2] Marie de France, Lais. Ed. & trad., Morvan, Françoise (2008), Arles, Actes Sud.
[3] Marie de France, Les fables, Ed. Brucker, Charles (1998), Louvain, Peeters.
[4] Marie de France, La vie seinte Audree, Ed. Södergård, Östen (1955), Uppsala, Lundequista.
[5] Marie de France, L’Espurgatoire seint Patriz, Ed. & trad., De Pontfarcy, Yolande (1995), Peeters, Louvain.
[6] Henri de Saltrey, St. Patrick’s Purgatory […] Tractatus de purgatorio Sancti Patricii, Ed. Easting, Robert, of Stranton, William (1991), Oxford, New York.
[7] Whalen, Logan (2008), Marie de France and the Poetics of Memory, CUAP, Washington DC, p. 175.

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